5 novembre 2024

Montée de l’Etat au capital d’EDF SA

Soyons clairs : l’État possède déjà 84,1 % du capital d’EDF.

Il peut donc piloter l’entreprise à sa guise depuis des années, et il ne s’en prive
pas moins que lorsque EDF était EPIC, en lui demandant même parfois simultanément
tout et son contraire.

Par contre, lorsqu’il prend des décisions qui peuvent être contraires aux intérêts
d’EDF, les 15,9 % que représentent les actionnaires minoritaires de la SA peuvent
publiquement dénoncer ses agissements s’ils considèrent être spoliés. Et eux non
plus ne s’en privent pas.

En montant à 100% du capital, l’État a trouvé le moyen d’éliminer ce risque de
mauvaise presse pour lui et veut avoir les mains totalement libres pour imposer ses
directives à l’entreprise sans aucun contre-pouvoir.

C’est pour cela que le gouvernement pense plus facile de « reconfigurer » le
Groupe en dotant l’État de 100% du capital… mais faire passer les actions des
mains de petits porteurs et d’institutionnels à celles de l’État n’a aucun effet sur
la santé « bilancielle » de l’entreprise. S’il veut réellement aider l’entreprise,
c’est raté, il se trompe de levier.

En effet, cette détention à 100% par l’État ne résoudra pas la sous-capitalisation et
l’endettement abyssal de l’entreprise. Pas plus que cela ne résoudra le problème de la
vente à perte imposée par l’ARENH.

Faut-il rajouter que, techniquement, rien ne garantit qu’avec cette opération, EDF pourra
emprunter à un taux proche d’un emprunt d’État ?

On se demande alors où sont les réels bénéfices de cette opération. Qui plus est, en tant que futur ex-actionnaire salarié, chacun de nous n’a aucune assurance que son quotidien au sein de l’entreprise sera meilleur demain.

Que va-t-il se passer pour moi, actionnaire ?

Après validation de l’opération par l’AMF, il devrait y avoir le lancement d’une OPA
(offre publique d’achat) conduisant au retrait d’EDF de la bourse. Les conditions de cette opération seront précisément connues lors de la communication de l’avis de l’AMF.

Les conseils de surveillance des FCPE devront alors s’exprimer pour dire s’ils
apportent les titres ou non.

– Si la réponse est favorable, alors les titres seront vendus au prix de l’OPA et les sommes issues du rachat des actions seront placées sur le FCPE monétaire.

– Si la réponse est défavorable, il faudra attendre que l’État obtienne 90% du capital
pour imposer un « retrait obligatoire » aux conditions de l’OPA. Mais le suspense
reste limité : comme les actionnaires salariés représentent en gros 1,5% du capital,
ce qui fait quand même d’eux le second actionnaire après l’État, il suffira que 6% du
« flottant » change de mains pour que le retrait obligatoire puisse être enclenché par
l’État. Les titres seront donc vendus et placés de la même façon sur le FCPE
monétaire.

Charge alors aux salariés de faire un arbitrage vers un autre fonds ou de le laisser dans celui-là. En tout état de cause, il ne pourra pas les retirer avant le délai initial de 5 ans (sauf cas de déblocages anticipés).

Tout cela pour dire que l’État a toutes les cartes en mains pour aller très vite et
réaliser l’opération dès septembre.

Et si je veux en savoir plus en tant qu’actionnaire salarié, en particulier sur ce que deviennent mes placements ?

Vous avez déjà pu constater que ce projet de montée au capital de l’Etat n’a pas
impacté la livraison de titres acquis par l’ORS 2022 : ils nous ont bel et bien été livrés
le 25 juillet.

Ensuite, si l’OPA a finalement lieu, l’État proposera dans un premier temps (rien ne dit à ce stade qu’il n’y aura pas d’évolution de l’offre en fonction du succès qu’elle rencontrera) le rachat de toutes les actions disponibles sur le marché, quelle que soit leur date d’acquisition, sur la base (nous dit-on aujourd’hui) de 12 € par action ou sur la « valeur de remplacement » pour la formule MULTIPLE de l’ORS.

Cependant, cette valorisation n’est issue que de l’expression de la volonté du Gouvernement, il est évident que les actionnaires salariés et les minoritaires ne vont pas accepter une offre aussi basse qui ne reflète en rien la valeur réelle d’EDF et qui subit indubitablement la gestion contrariante de l’État depuis des années.

En matière de fiscalité, objet de bon nombre de questionnements, il est important de noter que les sommes issues du rachat des actions qui resteront immobilisées sur le PEG ne se verront appliquer les prélèvements sociaux (17,2% à ce jour) sur les bénéfices réalisés que lors de la sortie du PEG uniquement.

Or, en fonction de la date et du prix d’acquisition de leurs titres, quelques salariés seront gagnants (ORS 2019 et 2022) et le plus grand nombre probablement perdant (presque tous les autres) !

Les actionnaires salariés ont manifesté leur confiance en investissant dans l’entreprise, et celle-ci a perdu de la valeur : c’est essentiellement la conséquence de mauvaises décisions de l’Etat dont la liste exhaustive serait bien longue : Hinkley Point, ARENH, fermeture anticipée de Fessenheim…

Vous ne serez donc pas étonnés qu’EAS milite pour une révision de la valeur de rachat proposée par le Gouvernement.